Sur cette période « d’isolement » lié au confinement tu dirais quoi ? Comment tu le vis ? Je pense notamment au dessin « Pandemia » que j’ai pu voir il y a quelques jours sur ton compte Instagram.
Comment je le vis ? Je suis chez moi depuis le 11 mars, à la suite d’une opération survenue tout juste avant le confinement général. Autant te dire que les premiers jours j’étais bien shooté. Puis, le rythme de phases ascendantes et descendantes intrinsèque à mes pratiques professionnelles et au fait que je n’ai jamais été dans un cadre salarial à repris le pas. Je suis habitué aux « montagnes russes » dans mon quotidien.
Ce moment particulier, je l’ai déjà ressenti en 2010 à la suite d’un litige contractuel avec un éditeur de bande dessinée. La conséquence a été violente : j’ai décidé de tout arrêter. A ce moment, j’avais 10 ans de BD derrière moi et 20 ans de pratique d’arts urbains et de photographie. Je n’avais plus envie de subir les politiques éditoriales de certains éditeurs débiles et ignares mais de participer à une véritable aventure éditoriale. Cela m’a appris à arrêter de me projeter uniquement dans l’immédiat et de penser au long terme. La question était de savoir ce que je voulais faire et avec qui ?
Je crois aux signes que le destin nous envoi sur notre chemin de vie. Je crois au symbolisme. Ce moment a été un tournant significatif dans mon approche au travail. J’ai réduit le nombre de BD par an en décidant de me consacrer plus à la peinture et à la presse. En assumant ce choix, j’ai décidé de bosser qu’avec de petits éditeurs comme Tartamudo avec qui j’ai une véritable collaboration en toute intelligence. José Jover, l’éditeur, est lui même dessinateur et il comprend les problématiques que nous devons surmonter dans notre travail. C’est également à ce moment, que la décision de lancer un magazine de graffiti et de street art s’est prise avec Yann Cherruault, un ami de longue date et spécialiste de Rap. Une galerie à l’étranger me donne l’opportunité de présenter mon travail d’artiste (Galerie Starkart à Zürich) et qu’un producteur américain me contacte pour réaliser le pilote d’une série TV. Je l’ai écrit avec une grande motivation, j’ai trouvé cela marrant. Tout cela pour te dire, qu’aujourd’hui cette situation exceptionnelle que nous connaissons, j’arrive à bien la vivre grâce à mon expérience antérieure.
Alors pour « l’après », j’ai beaucoup dessiné.



J’ai réalisé des projets de toiles, des mises à jour internet, des prises de contact ainsi que des scénarios de BD. Il faut être dans le positif, même si on le sait, que d’un point de vue économique cela va être la catastrophe. Je suis dans le que « faire » pour les 10 à 15 ans à venir… même si je ne suis pas arrivé à la fin de ma réflexion. Je prends cette période comme un aboutissement de 2010, sur l’application de mes choix de revivre et de renaître différemment, en changeant ma manière de faire et les relations avec certaines structures et personnes. En l’utilisant à bon escient, certaines choses se concrétisent en ce moment même : comme la signature de la BD « le Corsaire du Roy » (anciennement Le Malouin) avec une maison d’édition italienne.

L’intégralité de l’interview ici : Tarek Ben Yakhlef aka Tarek : « A travers l’art, toucher le monde »