Petit retour en images sur la signature à librairie « Chroniques » de Cachan (94), samedi 18 novembre avec Nadine Van der Straeten qui a dédicacé un grand nombre d’exemplaires de son roman graphique Jeanne Hébuterne – un souffle éphémère. un succès, mérité, avec le public présent et un libraire très content.
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Exposition Jeanne Hébuterne – Galerie JPHT
Interview dans BDCaf
BDCAF CHRONIQUE de JEANNE HEBUTERNE
JEANNE HEBUTERNE en librairies !
Interview de Nadine Van der Straeten dans BDcaf mag
Une femme sous influence
Jeanne Hébuterne fut la dernière compagne d’Amedeo Modigliani et elle l’aima « à en mourir ». Dans ce très bel album à paraître aux éditions Tartamudo, Nadine Van der Straeten dresse le portrait d’une femme sous influence, disparue prématurément.
BDCAF’MAG : pourquoi avoir réalisé un album sur Jeanne Hébuterne ?
Tout a commencé avec l’exposition de la collection du mécène Jonas Netter, à la Pinacothèque de Paris. Plusieurs tableaux de Modigliani étaient présents dont quelques portraits de Jeanne Hébuterne. Plus précisément, c’est en lisant le commentaire d’un de ces portraits mentionnant brièvement sa fin tragique, que le besoin m’est venu d’en savoir davantage. J’ai commencé à rechercher de la documentation sur cette artiste. Et puis, comme souvent, on tire un fil et toute la pelote vient… Comment une relation amoureuse se vit-elle entre deux artistes ? C’est cela qui m’intéressait avant tout. Une documentation très riche existe autour de Jeanne et de Modigliani, et notamment des témoignages écrits après la mort du couple. Comme certains de ces témoignages étaient contradictoires, il m’a fallu mener une véritable enquête policière pour démêler la part de réel et la part de fantasme.
BDCAF’MAG : Jeanne Hébuterne était artiste, mais dans l’album c’est Modigliani qui occupe tout l’espace artistique…
Jeanne n’a pas eu le temps de devenir une artiste professionnelle. Pendant sa relation avec Modigliani, elle n’était qu’étudiante, et sa soif d’apprendre passait par une observation soutenue du savoir faire de son compagnon. Elle a cependant laissé un certain nombre de dessins et peintures qui montrent son fort potentiel. J’ai tâché d’en montrer quelques uns au fil de mon histoire. Si elle avait vécu plus longtemps, elle serait certainement devenue une grande artiste, en phase avec son temps car elle était réceptive aux tendances de son époque, contrairement à Modigliani. Il avait une vision très personnelle de son œuvre, et d’ailleurs il ne s’est inscrit dans aucun des grands courants de son temps.
BDCAF’MAG : comment avez-vous trié la documentation ?
J’ai recoupé les témoignages, conservé les événements récurrents, j’ai étudié des textes historiques, pour m’immerger dans le quotidien des français, à cette époque meurtrie par la guerre, en particulier au sein de la communauté artistique. Je voulais raconter beaucoup de choses car la vie du couple Jeanne-Modigliani a été très dense sur un temps très court. Mais, à l’instar d’une cinéaste, j’avais également envie de créer mon personnage, d’inscrire toute cette matière biographique (car toutes les anecdotes sont vraies) dans une trame romanesque fluide.
BDCAF’MAG : Jeanne avait reçu une éducation bourgeoise, ses parents et son frères semblaient très bienveillants et proches, comment expliquer son suicide alors qu’elle était enceinte de 9 mois de son 2e enfant ?
Effectivement, Jeanne a reçu une éducation bourgeoise, catholique, certains insinuaient qu’elle avait été maltraitée par ses parents, ce qui est faux. Ils ont simplement été choqués de la voir faire sa vie avec un artiste misérable et toxicomane. Quelques récits antérieurs font apparaître que Jeanne était une jeune fille réservée, un peu secrète. Je pense que sa liaison avec Modigliani a répondu au côté obscur qui était déjà présent en elle. La mort de Modigliani l’a bouleversée, elle s’est jetée par la fenêtre alors qu’elle était sur le point d’accoucher, deux jours après la disparition de son amant.
BDCAF’MAG : Modigliani était malade et alcoolique…
Adolescent, il a failli mourir de graves déficiences pulmonaires. Cet épisode de sa vie l’a énormément marqué. Pour lui, la mort n’était jamais très loin, plus que les autres il se savait en sursis. Ses addictions étaient comme un écran de fumée à sa maladie. Modigliani n’était pas le rustre quelques fois suggéré, il était très cultivé et respectueux des femmes.
BDCAF’MAG : le couple fréquente beaucoup d’autres artistes de l’époque qui vivaient dans le quartier de Montparnasse. Ce qui frappe, c’est la « pauvreté » de leur existence… Pensez-vous que l’art ne rend pas heureux ?
Tous ces artistes étaient en quête de l’absolu artistique. Leur misère passait au second plan et seul primait le respect de leur engagement intellectuel.
BDCAF’MAG : l’enfant du couple, la petite Jeanne, n’avait pas vraiment de place…
Oui, parce que le couple lui-même prenait toute la place ! De plus, leur dénuement matériel n’était pas idéal pour élever un enfant. A noter qu’à cette époque, beaucoup de parents, tous milieux sociaux confondus, confiaient leur enfant à une nourrice à la campagne.
BDCAF’MAG : comment avez-vous abordé la réalisation de cet album car c’était la première fois que vous écriviez un scénario ?
J’ai commencé ma carrière dans la presse et l’édition-jeunesse où j’illustrais les textes des autres. Lorsque je me suis tournée vers ce projet de roman graphique, il m’a fallut écrire moi-même ce que personne n’allait faire à ma place… j’ai découvert un métier !
Bien entendu, en tant que dessinatrice, j’ai écrit le scénario un crayon à la main : je montais l’histoire à mesure que j’imaginais les différentes scènes, un peu comme un « story-board » de cinéma.
Pour les traits de Jeanne, je n’ai pas souhaité utiliser les portraits d’elle réalisés par Modigliani car c’était sa vision personnelle. J’ai créé un personnage féminin qui respectait les caractéristiques physiques réelles de Jeanne (les yeux très clairs, la chevelure sombre) mais qui correspondait à ce que j’aime dessiner… un peu comme on choisit une actrice qu’on aime filmer.
J’ai eu la même démarche pour le personnage d’Amedeo Modigliani, en revanche, je me suis amusée à représenter vraiment les personnages secondaires, voire quelques figurants…